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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/231

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LA MAISON DES BORIES

être faudrait-il des mois avant qu’elle comprît vraiment le jeu, mais elle connaissait à fond la théorie. C’était stupéfiant.

— Eh bien, par exemple… qui t’a appris ?

— Personne, répondit-elle en rougissant lentement, une dizaine de secondes environ après qu’elle eut parlé.

— Ce n’est pourtant pas la seule leçon que je t’ai donnée…

— J’ai appris toute seule, cet hiver.

— Toute seule ? s’écria-t-il, surpris et enchanté. Tu as appris à jouer aux échecs toute seule, pour me faire plaisir ?

— Ou…i, dit la petite. Et une nouvelle vague de sang passa par-dessus la première et se retira, lentement.

— Par exemple ! répétait Amédée. Par exemple ! Eh bien, embrasse-moi.

Elle l’embrassa gentiment, sourit et baissa ses longs cils asiatiques sur le cheminement de ses pensées, caravane nonchalante et sûre et bien protégée.

— Alors, reprit M. Durras, tu l’aimes un peu, ton oncle Amédée ?

Elle releva les yeux, appuya sa joue sur sa main et répondit de sa voix douce et nette :

— J’aimerais bien vous tenir compagnie dans l’endroit où vous êtes, si vous voulez de moi.

Primo, dit Amédée, pourquoi ne réponds-tu jamais directement aux questions qu’on te pose ? Secundo, qu’entends-tu par « l’endroit où vous êtes » ? Je suis en ce moment dans le salon, je serai tout à l’heure dans la salle à manger, après je serai dans ma chambre ou dans mon bureau. Alors ?

« Veux-tu dire, reprit-il, emporté par son raisonnement et oubliant sa première question, que tu désires me tenir compagnie partout où je serai ? Si c’est cela, je te réponds que tu es une bien gentille petite