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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/72

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TROIS PARMI LES AUTRES

— On va voir les petits chiens ?

— Allons d’abord poser la timbale. Si elle a paru déplacée chez la fermière, qu’est-ce que ça serait chez le curé !

Au moment de sonner à la porte de la cure, Suzon fit signe d’attendre et se prit les côtes à deux mains en donnant tous les signes d’un fou rire irrésistible.

— Ça va, dit Annonciade avec impatience. Ne fais pas la dinde…

- Je t’ assure que je n’en peux plus, haleta Suzon.

Mais comme Antoinette avait sonné et qu’un pas approchait, elle se calma instantanément. L’abbé Graslin leur parut encore plus grand que tout à l’heure. De la ceinture de sa soutane à ses pieds, il y avait une distance invraisemblable. Malgré le noir espagnol de sa barbe et de ses cheveux taillés en brosse, il avait les yeux clairs d’un homme du Nord, bleus comme la fleur de chicorée, et le nez court, retroussé et charnu du bout d’un mousquetaire de Jordaens. Sa bouche, mangée par la barbe, paraissait trop mince pour son visage, mais il avait une expression franche et gaie, un air de brutalité candide. La Bourgogne, qui avait coloré son nez et les fibrilles rouges de ses pommettes, chantait dans son accent.

Le curé mousquetaire accueillit ses trois visiteuses aux bras nus avec un naturel qui déconcerta Suzon. Elle tourna toutes ses grâces vers