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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/73

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TROIS PARMI LES AUTRES

Rigoletto, le bouledogue à l’émouvante ressemblance, tandis qu’Annonciade, à quatre pattes, marmottait mille folies et frottait le ventre rose et mouillé de pisse des petits chiens de Tosca.

— Monsieur le curé, demanda Antoinette qui contemplait ce tableau, nous feriez-vous la faveur de nous vendre un de vos petits chiens ?

— Ah ! vous n’avez pas de chance, mademoiselle. Je viens tout à l’heure de promettre le dernier aux MM. Dornain.

— Les Dornain ? Ils sont toujours à Frangy ?

— Oui… Vous les connaissez ?

— Je les ai beaucoup connus autrefois, mais nous nous sommes perdus de vue.

— M. Bertrand m’a acheté l’année dernière le frère de mon bouledogue.

— Le frère de Rigoletto ? demanda Suzanne d’un ton détaché. Est-il aussi blanc que lui ?

— Blanc comme un champignon. Ils l’ont appelé Siki. C’est vrai qu’il a l’air d’un boxeur nègre qui serait devenu blanc, comme dit Bertrand Dornain. Ah ! c’était une belle portée. J’ai vendu la mère à M. le comte de Saint-Albin. Celui-là, je le garde pour les saillies, il est tellement racé…

— Le comte ? demanda Suzanne, qui s’attira un regard foudroyant de sa sœur.

— Non, le chien, répliqua le curé-mousquetaire en riant à belles dents.

Suzon lui fit écho. Elle était saisie d’une folie de gaieté et de bravade. Bertrand Dornain ! Le frère de Rigoletto ! Et les autres qui ne savaient rien ! C’était trop beau.

— Alors, monsieur le curé, vous n’avez rien pour nous ? Pas le plus petit marmot de chien ?