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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/15

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son rapport avec sa forme inférieure d’existence, qui est sa condition, ou sa matière ; elle commence le changement, à ce qu’il semble, par la vertu supérieure qui est sa nature même. La vie implique l’opposition de la réceptivité et de la spontanéité.

Or, l’effet général de la continuité et de la répétition du changement que l’être vivant reçoit d’ailleurs que de lui-même, c’est que, si ce changement ne va pas jusqu’à le détruire, il en est toujours de moins en moins altéré. Au contraire, plus l’être vivant a répété ou prolongé un changement qui a son origine en lui, plus encore il le reproduit et semble tendre à le reproduire. Le changement qui lui est venu du dehors lui devient donc de plus en plus étranger ; le changement qui lui est venu de lui-même lui devient de plus en plus propre. La réceptivité diminue, la spontanéité augmente. Telle est la loi générale de la disposition, de l’habitude que la continuité ou la répétition du changement semble engendrer dans tout être vivant. Si donc le caractère de la nature, qui fait la vie, est la prédominance de la spontanéité sur la réceptivité, l’habitude ne suppose pas seulement la nature ; elle se développe dans la direction même de la nature ; elle abonde dans le même sens.

Tant que l’organisation s’éloigne peu de l’homogénéité inorganique, tant que la cause de la vie est, sinon multiple et diffuse, du moins encore près de l’être, tant que les transformations en sont peu nombreuses, en un mot, tant que la puissance dont la vie est la manifestation, n’a qu’un petit nombre de degrés à parcourir pour atteindre sa fin, l’existence est à peine affranchie de la nécessité, et l’habitude y pénètre difficilement. L’habitude n’a que peu d’accès dans la vie végétale. Cependant la durée du changement laisse déjà des traces durables, non seulement dans la constitution matérielle de la plante, mais dans la forme supérieure de sa vie. Les plantes les plus sauvages cèdent à la culture ;