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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/31

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Avec la sensation, s’affaiblissent peu à peu le plaisir ou la peine qui y étaient attachés, et la peine surtout. À l’action est lié le plaisir ; la durée ne diminue pas le plaisir de l’action ; elle l’augmente[1].

Dans le mouvement même, avec l’effort, disparaît la fatigue et la peine. Et dans la sensation, sans doute, c’est l’activité encore qui intervient pour en entretenir ou pour en faire revivre les voluptés périssables. C’est elle qui, jusques en des sentiments pénibles, démêle peu à peu des émotions agréables qui s’y mêlaient, et, quand la peine s’efface, retient et développe le plaisir.

Ainsi partout, en toute circonstance, la continuité ou la répétition, la durée, affaiblit la passivité, exalte l’activité. Mais dans cette histoire contraire des deux puissances contraires, il y a un trait commun, et ce trait explique tout le reste.

Toutes les fois que la sensation n’est pas une douleur, à mesure qu’elle se prolonge ou se répète, à mesure, par conséquent, qu’elle s’efface, elle devient de plus en plus un besoin. De plus en plus, si l’impression nécessaire pour la déterminer vient à ne plus se reproduire, le trouble et le malaise accusent dans la sensibilité le désir impuissant[2].

D’un autre côté, à mesure que dans le mouvement l’effort s’efface et que l’action devient plus libre et plus prompte, à mesure aussi elle devient davantage une tendance, un penchant qui n’attend plus le commandement de la volonté, qui le prévient, qui souvent même se dérobe entièrement et sans retour à la volonté et à la conscience[3]. Tels sont surtout ces mouvements, d’abord plus ou moins volontaires, qui dégénèrent peu à peu en mouvements convulsifs, et qu’on appelle des tics.

  1. Buisson, De la divis. des phén. physiol., p. 71.
  2. M. de Biran, Infl. de l’habitude, p. 110.
  3. M. de Biran, Infl. de l’habitude, p. 110.