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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/34

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la région de la volonté, de la personnalité et de la conscience.

L’affaiblissement graduel des sensations et la facilité croissante des mouvements s’expliqueraient peut-être, à force d’hypothèses, par quelque changement (que l’anatomie ne démontre pas) dans la constitution physique des organes[1]. Mais aucune modification organique ne peut expliquer la tendance, le penchant dont le progrès coïncide avec la dégradation de la sensation et de l’effort. Peut-être encore réussirait-on jusqu’à un certain point à expliquer, comme on a cherché à le faire[2], par le progrès de l’attention, de la volonté, de l’intelligence, le progrès de l’aisance et de la sûreté des mouvements, et la disparition de la sensation. Mais si la sensation disparaît à la longue parce que l’attention s’en lasse et se détourne ailleurs, d’où vient que la sensibilité demande de plus en plus cette sensation que la volonté abandonne ? Si le mouvement devient plus prompt et plus aisé, parce que l’intelligence en connaît mieux toutes les parties, et que la volonté combine l’action avec plus d’assurance et de précision, d’où vient qu’avec le progrès de la facilité du mouvement coïncide avec la décroissance de la volonté et de la conscience ?

Les théories physiques et les théories rationalistes sont ici également en défaut. La loi de l’habitude ne s’explique que par le développement d’une spontanéité passive et active tout à la fois, et également différente de la Fatalité mécanique, et de la Liberté réflexive.


III. Cependant, tout en devenant une habitude, et en sortant de la sphère de la volonté et de la réflexion, le mouvement ne sort pas de l’intelligence. Il ne devient pas l’effet mécanique d’une impulsion extérieure, mais l’effet d’un penchant qui succède au vou-

  1. Cf. Isaac, De consuetudine ejusque effectibus ex fibra sensim mutata ducendis (Erfordiæ, 1737, in-4o.)
  2. Voy. Bonnet, Ess. de psychol. (Œuvres, VIII), 82-9. Dug. Stewart, Philos. de l’espr. hum., p. 175.