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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/35

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loir. Ce penchant se forme par degrés, et aussi loin que la conscience le peut suivre, elle y reconnaît toujours une tendance à la fin que la volonté se proposait. Or, toute tendance à une fin implique l’intelligence.

Mais dans la réflexion et la volonté, la fin que se propose l’intelligence est un objet qu’elle s’oppose, comme le but plus ou moins éloigné du mouvement. Dans le progrès de l’habitude, à mesure qu’à la volonté succède le penchant, il approche toujours davantage de l’acte à la réalisation duquel il aspire, il en revêt de plus en plus la forme. La durée du mouvement change peu à peu la puissance, la virtualité en tendance, et peu à peu la tendance se change en l’action. L’intervalle que l’entendement se représentait entre le mouvement et son but diminue donc peu à peu ; la distinction s’efface ; la fin dont l’idée provoquait le penchant s’en rapproche, y touche et s’y confond. À la réflexion qui parcourt et qui mesure les distances des contraires, les milieux des oppositions, une intelligence immédiate succède par degrés, où rien ne sépare le sujet et l’objet de la pensée.

Dans la réflexion et la volonté, la fin du mouvement est une idée, un idéal à accomplir, quelque chose qui doit être, qui peut être, et qui n’est pas encore. C’est une possibilité à réaliser. Mais à mesure que la fin se confond avec le mouvement, et le mouvement avec la tendance, la possibilité, l’idéal s’y réalise. L’idée devient être, l’être même et tout l’être du mouvement et de la tendance qu’elle détermine. L’habitude est de plus en plus une idée substantielle. L’intelligence obscure qui succède par l’habitude à la réflexion, cette intelligence immédiate où l’objet et le sujet sont confondus, c’est une intuition réelle, où se confondent le réel et l’idéal, l’être et la pensée.

Enfin, c’est de plus en plus hors de la sphère de la personnalité