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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/51

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par le principe de l’habitude que s’explique l’association des idées. Ce penchant où l’activité de l’entendement et de l’imagination s’absorbe par degrés, c’est la spontanéité naturelle développée dans le mouvement, entraînant comme dans un courant rapide, l’attention, la volonté, la conscience elle-même, dispersant en même temps et répandant de toutes parts en une diversité indéfinie d’idées et d’images indépendantes, comme en une vie diffuse et multiple, l’unité et l’individualité de l’intelligence. Ainsi, dans le torrent de la circulation, succède de plus en plus à l’impulsion première du cœur, à mesure qu’on s’en éloigne, la tonicité propre et l’énergie diffuse des ramifications du système vasculaire.

Enfin cet état de nature, où l’habitude réduit la pensée, comme elle y ramène la volonté et le mouvement, c’est la condition et la source première de toute pensée distincte, comme c’est celle de toute volonté expresse et de tout mouvement déterminé. Comment délibérer de saisir dans le présent ou de ressaisir dans le passé une idée absente ? Ou l’on cherche ce qu’on sait, ou l’on ne sait ce qu’on cherche. Avant l’idée distincte que cherche la réflexion, avant la réflexion, il faut quelque idée irréfléchie et indistincte, qui en soit l’occasion et la matière, d’où l’on parte, où on s’appuie. La réflexion se replierait vainement sur elle-même, se poursuivant et se fuyant à l’infini[1]. La pensée réfléchie implique donc l’immédiation antécédente de quelque intuition confuse où l’idée n’est pas distinguée du sujet qui la pense, non plus que de la

    traction entre les idées ; Hartley, au moyen de l’hypothèse non moins arbitraire de l’enchaînement des vibrations des nerfs.

  1. Aristot., Éth. Eud. VIII, 14 : Οὐ γὰρ ἐβουλεύσατο βουλευσάμενος, καὶ τοῦτ’ ἐβουλεύσατο, ἀλλ’ ἔστιν ἀρχή τις οὐδ’, ἐνόησε νόησας πρότερον νοῆσαι, καὶ τοῦτο εἰς ἄπειρον. Οὐκ ἄρα τοῦ νοῆσαι ὁ νοῦς ἀρχὴ, οὐδὲ τοῦ βουλεύσασθαι βουλή. Voy. sur ce point, comme aussi sur le caractère de la nature, le profond métaphysicien Cesalpino, Quæstt. peripatett. II, 4.