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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/52

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pensée. C’est dans le courant non interrompu de la spontanéité involontaire, coulant sans bruit au fond de l’âme, que la volonté arrête des limites et détermine des formes.

En toute chose, la Nécessité de la nature est la chaîne sur laquelle trame la Liberté. Mais c’est une chaîne mouvante et vivante, la nécessité du désir, de l’amour et de la grâce.

VI. En résumé, l’Entendement et la Volonté ne se rapportent qu’à des limites, à des fins, à des extrémités. Le mouvement mesure les intervalles. L’intervalle implique la continuité, indéfiniment divisible, du milieu. La continuité implique le moyen terme indivisible, où, dans toute l’étendue du milieu, à quelque distance que ce soit de l’un ou de l’autre extrême, les extrêmes se touchent, et les contraires se confondent. L’intelligence des limites, comme de limites distinctes, enveloppe donc l’intelligence des milieux ; et le vouloir d’une fin, le vouloir des moyens. Ce vouloir et cette intelligence ne peuvent être encore médiates, et ainsi à l’infini. Jamais on n’épuiserait, et jamais par conséquent on ne réintégrerait le milieu, indéfiniment divisible. L’intelligence et la volonté médiate des extrémités enveloppent donc une intelligence et une volonté immédiates des milieux. L’intelligence et la volonté immédiates sont comme le moyen terme en mouvement dans toute l’étendue du milieu. Les extrêmes s’y touchent partout, le principe et la fin s’y confondent. Cette intelligence immédiate, c’est la pensée concrète où l’idée est confondue dans l’être. Cette volonté immédiate, c’est le désir, ou plutôt l’amour, qui possède et qui désire en même temps. Cette pensée et ce désir, cette idée substantialisée dans le mouvement de l’amour, c’est la Nature.

L’entendement et la volonté ne déterminent rien que de discret et d’abstrait. La nature fait la continuité concrète, la plénitude de la réalité.