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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/121

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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


dentelles, bouffait sur une candale courte à raies roses, dont les fentes, resserrées par des nœuds de ruban écarlate, laissaient voir la jupe de dessous, de toile blanche. Elle avait son collier d’agate et ses bracelets. Ainsi faite elle s’en allait la tête haute, les paupières légèrement retombées, les yeux à peine entr’ouverts sous les longs cils, les dents offertes dans un sourire, les narines palpitantes à la brise de mer. Elle avait oublié ses airs railleurs et méchants ; elle semblait presque jolie dans son bonheur.

Elle passa devant la fenêtre ; en même temps, à quelque distance apparut Samuel Goring. Oubliant tout à fait que des yeux indiscrets pouvaient le voir, le quaker courait derrière elle ; il la rejoignit enfin ; et, tout essoufflé, d’une voix haletante :

— Zinga, dit-il, je vous ai attendue.

— M’enfû ! répliqua-t-elle en haussant les épaules, sans le regarder et elle voulut continuer sa marche.

Alors il l’étreignit, mais, elle, des deux mains, se dégagea, avec une brusquerie si vive et si violente que le révérend trébucha et s’en fut heurter la muraille de notre pavillon.

Ou pati, Kouraj ! aguié ! (Partez, bonne chance, adieu !) cria-t-elle en le saluant de la main.

Mais ivre de douleur, de rage aussi, Goring se mit à la suivre. Il ne la suivit pas longtemps. Voyant qu’il la serrait de près, elle se détourna à demi et, la jambe allongée, d’un coup expert de boxeuse, elle lui envoya le pied en plein visage ; puis, comme il perdait l’équi-