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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/122

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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


libre, elle le poussa de sa croupe tendue et reprit sa marche en chantant la chanson créole :

E si nou kontré ké roch,
M’a kasé-yé ké mo do.

(Et si nous rencontrons quelque caillou, je le casserai avec mon dos.)


Le révérend se releva, la regarda, secoua la tête et prononça plusieurs paroles d’une voix entrecoupée. On eût dit que les mots se collaient à ses lèvres.

— Ils la suivent, disait-il, comme les bœufs qu’on va immoler… Que mon esprit ne se laisse point entraîner dans les sentiers de cette femme : elle a fait perdre la vie aux plus forts.

Et, lui tournant le dos, il s’essuya les yeux.

— Il a beau citer la Bible, observa le docteur, cela ne l’empêche pas de pleurer.

Puis se tournant vers moi :

— J’ai envie d’aller voir où court cette fille.

— Et moi de même, dis-je. Mais si elle s’aperçoit que nous la suivons ?

— Nous verrons bien ce qu’elle fera. En tout cas, nous ne nous laisserons pas envoyer des coups de pied au visage comme ce pauvre Goring. Nous lui en donnerons plutôt. D’ailleurs, voyez, elle a dans la cervelle des papillons blancs ; elle suit ses fantaisies, elle ne regarde rien, elle ne nous verra pas.

Nous partîmes sans nous montrer à Goring, ce qui nous fut aisé, car le révérend était trop absorbé par