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Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/111

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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

regard se perd. Ici, on les voit bouillonner, se gonfler en trombes de fumée, puis s’éparpiller en flocons comme la neige et disparaître dans l’espace. Là, au contraire, elles se creusent en vallons emplis d’ombres. Ailleurs, c’est un tournoiement continuel, un mouvement de flots qui se pourchassent et s’entraînent en rondes bizarres. Parfois, la nappe des vapeurs est assez unie ; le niveau des ondes de brume se maintient à une hauteur à peu près uniforme sur tout le pourtour des roches qui s’avancent en promontoires ; en maint endroit, des sommets de collines isolées se dressent au-dessus du brouillard comme des îles ou des écueils. D’autres fois, l’océan brumeux se partage en mers distinctes et laisse apercevoir, çà et la, le fond des vallées, semblables à un monde inférieur qui n’a rien de la douce sérénité des cimes. Le soleil éclaire obliquement toutes les volutes de brume qui s’élèvent au-dessus de la grande mer ; les teintes roses, purpurines, dorées, qui se mêlent au blanc pur, varient à l’infini l’aspect de la nappe flottante. L’ombre des monts se projette au loin sur les vapeurs et change incessamment avec