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Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/112

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LE BROUILLARD ET L’ORAGE.

la marche du soleil. Le spectateur remarque avec étonnement l’ombre de sa propre personne reproduite sur la nappe de vapeur et quelquefois avec les proportions d’un géant. On croirait voir un monstre spectral qu’on fait mouvoir à son gré en s’inclinant, en marchant, en agitant les bras.

Certaines montagnes, qui se dressent au sein de la mer bleue des vents alizés, sont presque toujours environnées à mi-hauteur d’une nappe de brouillards qui cache presque toujours, au voyageur arrivé sur la cime, la vue de la grande plaine azurée ; mais, autour du sommet dont je parcours les pâturages, les nappes de vapeurs montent et descendent, changent et se dissolvent comme au hasard : ce sont des phénomènes qui n’ont rien de constant. Après des heures ou des journées d’obscurité, le soleil finit par trouer la masse des brumes, les déchire, les disperse en lambeaux, les vaporise dans l’air, et bientôt la terre d’en bas, qui se trouvait privée de la douce clarté, s’illumine de nouveau sous la vivifiante lumière. Mais il arrive aussi que les brouillards s’épaississent, s’accumulent en