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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/563

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expulsion des prêtres catholiques

nisme avait fait le plus de progrès après l’arrivée de François Xavier en 1549. Si l’on en croit les rapports des missionnaires jésuites, près de deux cent mille fidèles, constitués en deux centaines de communes religieuses, auraient confessé la foi catholique avant la fin du onzième siècle. D’après Charlevoix, historien du Japon, un prince aurait même envoyé une ambassade au « grand, universel et très saint Père du monde entier, le seigneur le Pape », pour témoigner de son obéissance et de sa docilité comme inquisiteur et destructeur de bronzeries. Mais le dictateur Taïkosama, le puissant maître japonais qui s’était débarrassé de la suzeraineté plus ou moins décorative de l’empereur de Chine, prit ombrage de cette ingérence politique d’envoyés étrangers prenant des airs de maîtres, prétendant diriger les consciences et même se substituer aux parents pour baptiser les nouveau-nés. En 1587, il lança un édit contre les visionnaires jésuites, leur ordonnant de quitter le pays dans le délai de vingt-quatre jours. Les religieux s’empressèrent de se conformer en apparence à cet ordre et, changeant d’habits, devinrent officiellement de simples trafiquants, comme les traitants portugais qui s’étaient établis à côté d’eux dans les ports. On consentit à tolérer leur présence sous ce déguisement : mais franciscains et dominicains vinrent les dénoncer au pouvoir, puis exciter les convertis les uns contre les autres. La guerre civile se produisit çà et là, et finalement l’édit d’expulsion fut rigoureusement exécuté. Des massacres eurent lieu, et les légendes racontent même que des milliers d’hommes auraient été jetés dans un cratère de volcan. Quoiqu’il en soit, des ambassadeurs portugais furent mis à mort comme appartenant à la religion des rebelles, et désormais il ne resta plus au Japon, pendant plus de deux siècles, que des chrétiens timides, pratiquant leurs rites en secret, sous le couvert du bouddhisme ou du sinto. L’ensemble du trafic direct avec l’Europe, par l’intermédiaire de quelques traitants hollandais, parqués devant Nagasaki, dans l’îlot de De Sima, fut limité en 1685, à la somme de 300 000 taels, soit environ deux millions de francs. Le gouvernement japonais voulait se ménager une lucarne d’entrée pour les curiosités et les merveilles du monde occidental, mais il avait pris soin de n’admettre que des protestants hérétiques, des maudits de l’inquisition, et des contempteurs du crucifix.

En cette période de son histoire, où le Japon, plus heureux que l’Inde et que les empires du Nouveau Monde, réussissait, grâce à son isolement et sa nature insulaire, a régler prudemment ses relations avec les