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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/156

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l’homme et la terre. — égypte

La poule fut aussi une acquisition moderne, relativement à celle des canards et des oies. Ainsi l’Egypte s’enrichit successivement de toutes ces conquêtes de premier ordre dans le monde animal : mais dès les origines elle semble avoir possédé presque toutes les plantes alimentaires que mentionnent les anciens auteurs.

Les plus vieux monuments que nous aient légués les riverains du Nil n’ont peut-être que soixante-dix siècles, mais ils appartiennent à une époque dont la civilisation est si remarquablement développée à certains égards, caractérisée par des institutions si complexes, que l’on doit admettre en toute exactitude une longue durée de culture pendant les âges antérieurs[1]. La croissance d’une nation est fort lente, comme celle d’un chêne prodigieux, poussant au loin ses racines dans la profonde terre. On peut donc rejeter à des milliers d’années en arrière les premiers linéaments mythiques, au sens incertain, de la protohistoire égyptienne. Du reste, à l’encontre de certains spécialistes qui tiennent toujours comme un article de foi à l’antériorité de la civilisation égyptienne sur toute autre, il n’est plus permis de traiter séparément de l’antiquité des groupements nilotiques et mésopotamiens. L’influence chaldéenne a été l’un des facteurs de la société égyptienne à ses débuts et J. Oppert n’a pas dû se tromper de beaucoup en faisant remonter au delà du dixième ou onzième millénium avant l’ère chrétienne les premières associations humaines aux bords de l’Euphrate.

Cependant, quelques chronologistes, tout en parlant de l’ancienneté immémoriale de la nation nilotique, ont été amenés à réduire de beaucoup la durée de la monarchie égyptienne, telle que l’établissaient les annales transmises par les prêtres et que la constata le grand-prêtre d’Heliopolis, Manéthon, pour renseigner son maître, le Ptolémée Philadelphe.

L’impuissance d’embrasser par la pensée de longs siècles d’une histoire à laquelle manquent tous les détails explique partiellement cette abréviation cursive ; mais on doit y ajouter aussi, chez quelques écrivains, le désir de subordonner les chroniques d’une nation profane à celle du peuple sacré des Hébreux. Il leur faut à tout prix

  1. G. Maspero, Histoire ancienne des Peuples de l’Orient classique, p. 44.