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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/456

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l’homme et la terre. — rome

béiens de Rome furent tous censés être de descendance latine, tandis que les patriciens se disaient Etrusques ; c’est plus tard seulement que le caractère religieux de l’antique légende troyenne engagea les gouvernants à faire remonter leur généalogie jusqu’au roi d’Ilion : vers l’époque de la première guerre punique, cinquante familles romaines se trouvèrent issues d’Enée, fils d’Anchise et de Vénus[1].

Les Grecs étaient aussi représentés dans la cité nouvelle, car celle-ci paraît avoir englobé une colonie dite Pallantium dont les habitants maintinrent longtemps leur culte à côté de celui des dieux romains. A l’endroit où s’éleva plus tard le Capitole, des familles, qui se disaient issues d’Hercule, vivaient en un groupe distinct ; enfin des Sabins envoyèrent des essaims dans la cité latine. « Rome ne semblait plus une seule ville, mais une confédération de plusieurs villes, dont chacune se reliait à une autre confédération ». Elle pouvait se dire latine avec les Latins, sabine avec les Sabins, étrusque avec les Etrusques et grecque avec les Grecs[2], Ainsi Rome avait l’avantage extraordinaire de pouvoir participer aux fêtes religieuses de beaucoup d’autres nations. Le Romain avait partout des parents et des frères. Par la langue, aussi bien que par le culte, la cité qui devait être un jour la « Ville Eternelle » jouissait également d’un réel privilège : on y trouvait plus de radicaux grecs que dans aucun autre dialecte de l’Italie centrale. Ce caractère de la population romaine, multiple par le langage, les traditions, les origines, explique les institutions doubles qui, chez elle, se développent parallèlement à côté l’une de l’autre[3].

La cité naissante eut à subir tout d’abord les oscillations politiques produites par le choc des États voisins plus puissants, et souvent elle perdit son autonomie ou du moins ne put en conserver qu’une part variant avec les mille vicissitudes des choses. L’histoire, plus ou moins légendaire, des premiers siècles de Rome symbolise les dominations diverses qui se succédèrent par des noms de rois, latins, sabins, étrusques. Le dernier de ces potentats locaux, et celui dont l’existence réelle paraît le moins contestable, était un de ces roitelets rhasena, appartenant à une famille de Tarquinies, l’une des cités de l’Etrurie

  1. J. A. Hild, Légende d’Enée avant Virgile, Revue de l’Histoire des Religions, 1882-83.
  2. Fustel de Coulanges, ouvr. cité, p. 425.
  3. J. Michelet, Histoire Romaine, p. 139.