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Page:Relation historique de la peste de Marseille en 1720, 1721.djvu/177

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de la peſte de Marſeille


des maiſons, ſans leur paſſer ſur le corps. Qui pourroit décrire toutes les ſouffrances de tant de malades, & toutes les attitudes de tant de corps languiſſants ? Qui pourroit exprimer leurs plaintes & leurs gemiſſemens ? Couchés les uns auprès des autres, ils n’avoient pas dans la ruë même autant de place que l’inquiétude du mai en demandoit. Les uns mouroient avant que d’être reçûs dans l’Hôpital, les autres en y entrant ; on en voyoit tomber par défaillance près du ruiſſeau, & n’avoir pas la force de s’en retirer ; d’autres preſſés par la ſoif, s’en aprochoient pour y tremper leur langue, & rendoient l’ame au milieu des eaux ; & afin qu’il ne manqua à la déſolation de Marſeille aucun trait de reſſemblance avec celle de Jeruſalem, on y voyoit des femmes expirer avec leurs enfans pendus à la mammelle.

N’avançons pas plus loin, & ne pénétrons pas juſques dans cet Hôpital, dont le ſeul aſpect eſt capable d’attendrir l’ame la plus dure & la plus inſenſible. Tout y eſt couvert de malades, de morts, & de mourants.