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Page:Relation historique de la peste de Marseille en 1720, 1721.djvu/243

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de la peſte de Marſeille


maladie, porta plus loin ſa tendre prévoyance, & jugeant bien qu’après ſa mort qu’elle ſentoit s’aprocher, il ſeroit obligé de la porter lui-même en terre, & qu’en lui rendant ce dernier devoir, il couroit riſque de s’infecter ; elle lui dit de lui jetter le bout d’une longue corde, qu’elle s’attacha elle-même aux pieds, pour qu’après ſa mort ſon mari pût la traîner dans la foſſe, ſans être obligé de toucher à ſon corps, & ſans aucun riſque pour lui. A quelles épreuves de tendreſſe ne nous a pas mis cette cruelle maladie ? Il y avoit encore moins de charité à la Campagne, perſonne n’oſoit aprocher d’une Baſtide infectée, pas même entrer dans une terre où un mort avoit été enſeveli, les fruits reſtent ſur les arbres, & les raiſins dans les vignes, en ſorte qu’à l’entrée de l’hyver, ils étoient dépoüillés de leurs feüilles, & couverts de fruits, auſquels perſonne n’oſe toucher.

Les Rochers les plus eſcarpés, les Antres les plus profonds, les lieux les plus déſerts & les plus éloignés ne furent point une retraite aſſûrée contre la contagion ; elle penetre par

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