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Page:René Le Coeur Le bar aux femmes nues, 1925.djvu/21

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vers le « monsieur habitué » qui solde les consommations et s’en va précipitamment.


VIII


— Oh ! là ! là ! ce que vous êtes bêtes, vous, les hommes !

Étendue sur sa chaise longue, cannée, d’où coule jusqu’à terre, jaillie d’entre les coussins comme d’un rocher d’étoffes, un flot de brocatelle brochée d’argent, Marie-Louise me lance cette déclaration d’un air convaincu, d’un air agressif, d’un air de s’y connaître.

Je ne bronche point. Je reste le dos à la cheminée, les mains dans les poches, relevant les basques de ma jaquette pour me chauffer, C’est bon, c’est réconfortant, ça dispose à l’indulgence.

Nous causons.

J’aime beaucoup causer avec Marie-Louise. Elle a conservé, au milieu de son luxe, le pittoresque, la naïveté, la sincérité des filles du peuple ; et elle possède cette philosophie, cette connaissance des hommes, cette expérience apprise par les demi-mondaines — à leur corps… défendant ?… hum ! — sur les trottoirs et les draps de lit.

Car Marie-Louise est entretenue, maintenant, richement entretenue. Un monsieur qui n’était point un « habitué » s’est égaré un soir au petit théâtre. Il a vu Marie-Louise en princesse grecque, ou roumaine, enfin avec un cache-sexe. C’est un costume qui sied admirablement à la belle fille.

Il l’a retrouvée au bar. Et voilà comme la fortune arrive : en dormant ; autant que possible, quand on exerce la profession de Marie-Louise, en dormant avec un monsieur.

Elle prétend que je lui ai porté chance. Et pour me récompenser elle m’a fait… le seul cadeau qu’elle pouvait me faire : la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a.