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Page:René Le Coeur Le bar aux femmes nues, 1925.djvu/28

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— De gros chrysanthèmes : chrysanthème est du masculin, ma chérie.

— Laisse ; ça n’a pas d’importance, tes machines de littérature. Écoute plutôt ce que je te dis, ajoute Marie-Louise sévèrement.

Je saisis l’inanité de mes réflexions saugrenues. Et ma chère petite amie, plus douce, suivant le fil de son idée :

— Tu choisiras aussi un genre de charlotte et un genre béguin, en velours noir, et sans barrette ; n’oublie pas, sans barrette ; des chapeaux qui enfoncent bien ; il n’y a que ceux-là qui me coiffent. Tu diras que c’est pour une personne qui a la figure chiffonnée. La modiste saura. D’ailleurs si Mlle Claire est là, fais-toi servir par elle. Tu la connais ? Une grande brune. Tu as bien compris ?

J’ai compris et je vais expliquer cela à Mlle Claire. Autour de moi, les chapeaux garnis semblent, sur leur longue tige, dans les vitrines, sur les tables, d’immenses fleurs étranges, en une serre. Les demoiselles les cueillent d’une main précautionneuse pour les présenter aux clientes. Elles sourient, narquoises, les demoiselles de la maison de modes, à la vue du monsieur qui choisit des chapeaux. Elles pensent : « C’est un bon jeune homme que l’on envoie faire les courses. »

Je suis vexé d’être pris pour un bon jeune homme et je déteste, une minute, Marie-Louise et ses ridicules commissions.

Je demande Mlle Claire. On ne va peut-être plus se moquer de moi, car j’ai vraiment l’air de m’y connaître,

— Et pas de barrette, n’est-ce pas, mademoiselle.

Mlle Claire essaie les chapeaux, se présente de face, de profil, de trois-quarts. Elle est charmante. Je ne regarde plus du tout la tête. On a ses préférences. Elle est vraiment bien faite, cette petite.

Je la complimente sur sa façon de porter les chapeaux, qu’elle embellit de son charme.

Il faut toujours complimenter les jolies filles. Celle-ci est flattée. Puis elle soupire, avec un gentil air dolent.