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Page:René Le Coeur Le bar aux femmes nues, 1925.djvu/56

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choisir des cabines jumelles ; Pépin Toumyre maigrissait à vue d′œil ; et plus il s’efflanquait, plus il admirait les formes opulentes de Jacqueline.

— Je savais que les bains de mer faisaient maigrir, s′étonnait Mme Toumyre, mais à ce point-là ? C′est curieux. L′air de Theuville ne réussit pas à Pépin.

La vérité est que Pépin, comme tous les timides, aimait en silence.

Il parlait enfin, ou plutôt il écrivait, au moment de la tombola.

On avait, en effet, organisé une tombola au profit des veuves et des orphelins des marins.

Car la population indigène est pauvre, elle est immuablement pauvre : c’est sa profession.

Et les Parisiens naïfs organisent des loteries, des tombolas, des caisses de secours, des représentations à bénéfice ; chaque année des demoiselles de l′Odéon, des jeunes gens du Conservatoire, récitent l′Épave de François Coppée et disent des strophes attendrissantes sur la rude existence des pauvres marins et la douleur des veuves au pied du calvaire.

Et chaque année, les pauvres marins et les veuves éplorées qui louent leurs maisons fort cher aux Parisiens, empochent les secours, s′inscrivent en outre au bureau de bienfaisance et font de pantagruéliques ripailles et de délectables ribotes.

Les gamins du pays ne vous disent pas une fois « bonjour » sans ajouter immédiatement « Un p′tit sou ! » Et les trois-quarts des indigènes vivent de café ; un inénarrable café composé dans les proportions suivantes : quatre sous de café « avec un p′tieu de chicoaye dedans demandent-ils à l′épicier ; six sous d’eau-de-vie et trois sous de sucre ; le mélange randouille, suivant une expression locale, dans un pot ou une marmite, sous l’âtre ; et, d′heure en heure, les bonnes gens font une trempette de galette et boivent un coup.

— Ça réchauffe ! disent-ils.

Et ils achètent en outre des gâteaux et des bonbons