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Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/179

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une ligne parallèle à celle que parcouraient sans défiance les étrangleurs. Nous les suivions, séparés d’eux parfois seulement de quelques pas, rampant dans les hautes herbes, nous arrêtant lorsqu’ils s’arrêtaient, retenant notre haleine, étouffant les battements de nos cœurs, ne les quittant pas des yeux, épiant leurs moindres mouvements, prêts à bondir sur eux s’ils s’apercevaient de notre présence.

Je ne crois pas avoir jamais éprouvé dans le cours de ma vie aucune émotion semblable à celle dont je me rendis maître, pendant les dix minutes que dura cette épouvantable poursuite.

Nous arrivâmes avant les thugs sur le bord du fleuve dont les flots, que les pâles rayons de la lune n’éclairaient plus, roulaient sombres et lugubres entre leur barrière de roseaux.

Le houkabadar était dans l’eau jusqu’aux épaules ; je m’étais, moi, blotti derrière un tronc d’arbre que devaient franchir les étrangleurs. Le poignard à la main, j’attendais.

Le burka marchait le premier ; de son pied il m’effleura la main.

Je me sentis frissonner au contact de cette chair froide et nue. L’œil fixé sur son compagnon, je le laissai passer. Il ouvrit sans bruit, comme un fantôme, les eaux du Panoor, et j’entendis presque aussitôt, ou plutôt je devinai qu’un second corps fendait les flots.