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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/42

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Judée par chargements, ces centaines de colonnes, toutes du même diamètre, ornement de quelque insipide « rue de Rivoli, » voilà ce qu’il appelait « les royaumes du monde et toute leur gloire. » Mais ce luxe de commande, cet art administratif et officiel lui déplaisaient. Ce qu’il aimait, c’étaient ses villages galiléens, mélange confus de cabanes, d’aires et de pressoirs taillés dans le roc, de puits, de tombeaux, de figuiers, d’oliviers. Il resta toujours près de la nature. La cour des rois lui apparaît comme un lieu où les gens ont de beaux habits. Les charmantes impossibilités dont fourmillent ses paraboles, quand il met en scène les rois et les puissants, prouvent qu’il ne conçut jamais la société aristocratique que comme un jeune villageois qui voit le monde à travers le prisme de sa naïveté.

Encore moins connut-il l’idée nouvelle, créée par la science grecque, base de toute philosophie et que la science moderne a hautement confirmée, l’exclusion des forces surnaturelles auxquelles la naïve croyance des vieux âges attribuait le gouvernement de l’univers. Jésus ne différait en rien sur ce point de ses compatriotes. Le merveilleux n’était pas pour lui l’exceptionnel ; c’était l’état normal. La notion du surnaturel avec ses impossibilités, n’apparaît que le jour où naît la science expérimentale de la nature. L’homme étranger à toute idée de physique, qui croit qu’en priant il change la marche des nuages, arrête la maladie et la