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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/43

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mort même, ne trouve dans le miracle rien d’extraordinaire, puisque le cours entier des choses est pour lui le résultat de volontés libres de la Divinité. Cet état intellectuel fut toujours celui de Jésus. Mais, dans sa grande âme, une telle croyance produisait des effets tout opposés à ceux où arrivait le vulgaire. Chez le vulgaire, la foi à l’action particulière de Dieu amenait une crédulité niaise et des duperies de charlatans. Chez lui, elle tenait à une notion profonde des rapports familiers de l’homme avec Dieu et à une croyance exagérée dans le pouvoir de l’homme ; belles erreurs qui furent le principe de sa force ; car, si elles devaient un jour le mettre en défaut aux yeux du physicien et du chimiste, elles lui donnaient sur son temps une force dont aucun individu n’a disposé avant lui ni depuis.

De bonne heure, son caractère à part se révéla. La légende se plaît à le montrer dès son enfance en révolte contre l’autorité paternelle et sortant des voies communes pour suivre sa vocation. Il est sûr, au moins, que les relations de parenté furent peu de chose pour lui. Sa famille ne paraît pas l’avoir aimé, et, par moments, il semble dur pour elle. Jésus, comme tous les hommes exclusivement préoccupés d’une idée, arrivait à tenir peu de compte des liens du sang. Le lien de l’idée est le seul que ces sortes de natures reconnaissent. « Voilà ma mère et mes frères, disait-il en étendant la main vers ses disciples ; celui qui fait la volonté de mon Père,