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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/54

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La Galilée était de la sorte une vaste fournaise, où s’agitaient en ébullition les éléments les plus divers. Un mépris extraordinaire de la vie, ou pour mieux dire une sorte d’appétit de la mort, fut la conséquence de ces agitations. L’expérience ne compte pour rien dans les grands mouvements fanatiques. L’Algérie, aux premiers temps de l’occupation française, voyait se lever, chaque printemps, des inspirés, qui se déclaraient invulnérables et envoyés de Dieu pour chasser les infidèles ; l'année suivante, leur mort était oubliée, et leur successeur ne trouvait pas une moindre foi. Très-dure par un côté, la domination romaine, peu tracassière encore, permettait beaucoup de liberté. Ces grandes dominations brutales, terribles dans la répression, n’étaient pas soupçonneuses comme le sont les puissances qui ont un dogme à garder. Elles laissaient tout faire jusqu’au jour où elles croyaient devoir sévir. Dans sa carrière vagabonde, on ne voit pas que Jésus ait été une seule fois gêné par la police. Une telle liberté, et par-dessus tout le bonheur qu’avait la Galilée d’être beaucoup moins resserrée dans les liens du pédantisme pharisaïque, donnaient à cette contrée une vraie supériorité sur Jérusalem. La révolution, ou en d’autres termes l’attente du Messie, y faisait travailler toutes les têtes. On se croyait à la veille de voir apparaître la grande rénovation ; l’Écriture, torturée en des sens divers, servait d’aliment aux plus colossales espérances. A chaque ligne des simples écrits de