Aller au contenu

Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

salive et ses attouchements, la relever quand elle était affaiblie. On était persuadé que, pour opérer des guérisons de cette sorte, il fallait un nombre énorme de quartiers de noblesse, et que lui seul les avait. Sa maison était entourée, à certains jours, de gens venus de vingt lieues à la ronde. Quand un enfant marchait tardivement, avait les jambes faibles, on le lui apportait. Il trempait son doigt dans sa salive, traçait des onctions sur les reins de l’enfant, que cela fortifiait. Il faisait tout cela gravement, sérieusement. Que veux-tu ! on avait la foi alors ; on était si simple et si bon ! Lui, pour rien au monde, il n’aurait voulu être payé, et puis les gens qui venaient étaient trop pauvres pour s’acquitter en argent ; on lui offrait en cadeau une douzaine d’œufs, un morceau de lard, une poignée de lin, une motte de beurre, un lot de pommes de terre, quelques fruits. Il acceptait. Les nobles des villes se moquaient de lui, mais bien à tort : il connaissait le pays ; il en était l’âme et l’incarnation.

» À l’époque de la Révolution, il émigra à