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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/189

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en l’honneur de Tibère (vers l’an 15) dans le style romain[1], la Galilée n’avait pas de grandes villes. Le pays était néanmoins fort peuplé, couvert de petites villes et de gros villages, cultivé avec art dans toutes ses parties[2]. Aux ruines qui restent de son ancienne splendeur, on sent un peuple agricole, nullement doué pour l’art, peu soucieux de luxe, indifférent aux beautés de la forme, exclusivement idéaliste. La campagne abondait en eaux fraîches et en fruits ; les grosses fermes étaient ombragées de vignes et de figuiers ; les jardins étaient des massifs de pommiers, de noyers, de grenadiers[3]. Le vin était excellent, s’il en faut juger par celui que les juifs recueillent encore à Safed, et on en buvait beaucoup[4]. Cette vie contente et facilement satisfaite n’aboutissait pas à l’épais matérialisme de notre paysan, à la grosse joie d’une Normandie plantu-

  1. Jos., Ant., XVIII, ii, 2 ; B. J., II, ix, 1 ; Vita, 12, 13, 64.
  2. Jos., B. J., III, iii, 2.
  3. On peut se les figurer d’après quelques enclos des environs de Nazareth. Cf. Cant. cant., ii, 3, 5, 13 ; iv, 13 ; vi, 6, 10 ; vii, 8, 12 ; viii, 2, 5 ; Anton. Martyr, l. c. L’aspect des grandes métairies s’est encore bien conservé dans le sud du pays de Tyr (ancienne tribu d’Aser). La trace de la vieille agriculture palestinienne, avec ses ustensiles taillés dans le roc (aires, pressoirs, silos, auges, meules, etc.), se retrouve du reste à chaque pas.
  4. Matth., ix, 17 ; xi, 19 ; Marc, ii, 22 ; Luc, v, 37 ; vii, 34 ; Jean, ii, 3 et suiv.