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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/442

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que pour des moines. La même chose fût arrivée dans l’ordre de Saint-François, si cet ordre avait réussi dans sa prétention de devenir la règle de la société humaine tout entière. Nées à l’état d’utopies, réussissant par leur exagération même, les grandes fondations dont nous venons de parler ne remplirent le monde qu’après s’être modifiées profondément et avoir laissé tomber leurs excès. Jésus ne dépassa pas cette première période toute monacale, où l’on croit pouvoir impunément tenter l’impossible. Il ne fit aucune concession à la nécessité. Il prêcha hardiment la guerre à la nature, la totale rupture avec le sang. « En vérité, je vous le déclare, disait-il, quiconque aura quitté sa maison, sa femme, ses frères, ses parents, ses enfants, pour le royaume de Dieu, recevra le centuple en ce monde, et, dans le monde à venir, la vie éternelle[1]. »

Les instructions que Jésus est censé avoir données à ses disciples respirent la même exaltation[2]. Lui, si facile pour ceux du dehors, lui qui se contente parfois de demi-adhésions[3], est pour les siens d’une ri-

  1. Luc, xviii, 29-30.
  2. Matth., x entier ; xxiv, 9 ; Marc, vi, 8 et suiv. ; ix, 40 ; xiii, 9-13 ; Luc, ix, 3 et suiv. ; x, 1 et suiv. ; xii, 4 et suiv. ; xxi, 47 ; Jean, xv, 18 et suiv. ; xvii, 14.
  3. Marc, ix, 38 et suiv.