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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/655

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où l’on sent plus vivement que partout ailleurs l’empreinte de l’école de Jean. La perpétuelle préoccupation des rapports de Jean et de Pierre se retrouve. Toute cette fin ressemble à une suite de notes intimes, qui n’ont de sens que pour celui qui les a écrites ou pour les initiés. L’allusion à la mort de Pierre, le sentiment de rivalité amicale et fraternelle des deux apôtres, la croyance, émise avec réserve, que Jean ne mourrait pas avant d’avoir vu la réapparition de Jésus, tout cela paraît sincère. L’hyperbole de mauvais style du v. 25 ne fait pas disparate en un écrit si inférieur, sous le rapport littéraire, aux synoptiques. Ce verset manque, du reste, dans le Codex Sinaïticus. Le v. 24, enfin, semble une signature. Les mots « Et nous savons que son témoignage est vrai » sont une addition des disciples, ou plutôt portent à croire que les derniers rédacteurs utilisèrent des notes ou des souvenirs de l’apôtre. Ces protestations de véracité se retrouvent presque dans les mêmes termes en deux écrits qui sont de la même main que notre Évangile[1].

§ 47. Ainsi, dans le récit de la vie d’outre-tombe de Jésus, le quatrième Évangile garde sa supériorité. Cette supériorité se reconnaît surtout au parti pris général. Dans l’Évangile de Luc et dans Marc, xvi, 9-20, la vie de Jésus ressuscité a l’air de ne durer qu’un jour. Dans Matthieu, elle semble avoir été courte. Dans les Actes (ch. i), elle dure quarante jours. Dans les trois synoptiques et dans les Actes, elle finit par un adieu ou par une ascension au ciel. Les choses sont arrangées, dans le quatrième Évangile, d’une manière moins convenue. La vie d’outre-tombe n’y a pas de limites fixes ; elle se prolonge en quelque sorte indéfiniment. J’ai montré

  1. I Joh., i, 1-4 ; III Joh., 12.