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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/149

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le péril bleu

— « C’est très joli », apprécia Robert. « Mais madame votre mère se tracasse énormément… »

— « Dites-lui… — Ah ! là ! là ! quelle malédiction que toutes ces poules mouillées ! — Eh bien ! dites-lui que demain j’aurai fini cette pastorale, et qu’après-demain je serai sage ! »

— « Pourquoi pas aujourd’hui ? Je ne suis cependant pas une poule mouillée, moi, et je suis loin de plaisanter. Vous savez bien que j’ai mon idée… »

— « Déballez-la, votre idée, mon cher, déballez-la ! »

— « Hélas ! vous y croiriez encore moins qu’aux hommes volatiles, qu’au poisson voltigeur et qu’à l’aigle volant sans ailes ! »

— « Vous n’avez pas de preuves, alors ? »

— « Je n’ai que de bonnes raisons. Cela ne vous suffirait pas. »

— « Enfin, Robert, pourtant ! si vous saviez où se trouve ma sœur… et les autres… il serait criminel de garder le silence… Il faudrait y aller… Où peuvent-ils être ? Évidemment, pour ma part, je ne m’en doute pas le moins du monde… Où est le repaire des bandits ?… Si encore on avait la faculté de les voir s’enfuir dans telle ou telle direction ! Mais ils se cachent au milieu des nuits, des brouillards, des nuages… Considérez cette voûte impénétrable de nuées ; au-dessus d’elle, les Sarvants sont libres d’évoluer à notre insu…

» Mille dieux ! Robert, qu’est-ce que je vous disais ! »

Dressé, l’œil brillant, le bras tendu vers le ciel, Maxime désignait un point des nuages.

Robert, vivement, regarda.

Dans les volutes d’un gros cumulus gris ardoise engourdi de torpeur, une ombre oblongue, diaphane et fantômale, se profilait.

— « Le dirigeable ! murmurait Maxime tout bas, comme s’il eût craint d’effaroucher la vision.

Robert abrita ses yeux du jour livide :

— « C’est bien celui que vous avez rencontré ? »

— « C’est bien lui : la nacelle ne se voit pas. Et si ce n’était lui, que ferait-il, là, sans bouger, à l’affût derrière son nuage ?…

— « Hum ! » fit Robert, puissamment intéressé.