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le péril bleu

D’un signe, Mme Monbardeau lui recommanda le silence : Mme Le Tellier commençait à s’exalter.

— « Il n’était pas fou ! » reprit-il sans faire attention.

— « Alors, » s’enquit M. Monbardeau, « cette pelisse ? ces fourrures ? »

— « Il croit peut-être que les Sarvants ont leur refuge dans les glaciers… » avança Mme Arquedouve.

— « Sans doute », fit M. Le Tellier, songeur. « Les Sarvants… »

La visionnaire s’était levée d’un jet.

— « Les Sarvants ! » s’écria-t-elle.« Hoooooh ! Qui me serre ?… Maxime !… »

Elle écartait avec horreur la souvenance des mains qui l’avaient empoignée, sous la charmille. Elle crispait les siennes aux endroits que l’étreinte avait meurtris à travers l’étoffe déchiquetée…

— « Là ! qu’est-ce que je disais ! » reprocha Mme Monbardeau. « Taisez-vous donc, Jean ! »

Mais M. Le Tellier, à la vue de sa femme qui reproduisait infatigablement la bagarre du 19 juin, se répétait en frissonnant que Robert avait couru, de lui-même, au danger sans égal… Ah ! le vaillant ! le héros ! il s’était jeté, de gaieté de cœur, au-devant du formidable mystère crochu ; et des jours, et des nuits, il avait eu le courage surhumain de persister dans son héroïsme et d’attendre patiemment l’attaque infernale !

— « Il n’a pas de famille, n’est-ce pas ? » s’informa le docteur.

— « Non, » dit M. Le Tellier, la larme à l’œil, « il n’avait que la nôtre. Ou plutôt, il n’avait qu’un rêve… Hélas ! voilà que j’en parle déjà au passé !… »

Deux jours après, les facteurs bugistes faisant grève depuis l’avènement des Ogres, les deux beaux-frères étaient allés en automobile chercher le courrier à la poste d’Artemare.

M. Le Tellier déploya Le Nouvelliste de Lyon, adressé à Mme Arquedouve, et lut ce qui suit :