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Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/225

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viii

Le Cahier rouge



Vint le jour de la course.

Il faisait beau. M. Le Tellier s’en aperçut quand la concierge vint pousser les volets et lui servir son chocolat. (Le digne savant déteste les hôtels autant que ce qu’il nomme « faire des embarras », aussi était-il descendu chez lui et sans valet de chambre.)

Il faisait beau. Le soleil illuminait l’appartement dépouillé de ses rideaux et de ses tapis, aux lustres emmaillotés, aux meubles recouverts de housses, et rempli d’une odeur de camphre, de vétiver et de poivre. Les carreaux étaient badigeonnés de blanc d’Espagne, et dans le salon, des enveloppes cachaient les aquarelles renommées : les Harpignies, les Filliards, les Le Mains.

Il faisait beau. La course serait belle. En s’habillant, M. Le Tellier repassa ce dont ils avaient convenu, lui et le duc d’Agnès. Le coup de canon du départ tonnerait à dix heures ; à neuf heures et demie, une automobile appartenant au duc se tiendrait à la porte de M. Le Tellier, le conduirait aux Invalides pour assister au premier acte de l’épreuve, puis aussitôt s’en irait se poster à l’entrée de Paris, afin qu’il pût voir les péripéties des derniers kilomètres. Un insigne spécial servirait de coupe-file à la voiture.

Il faisait beau. Un brouhaha de peuple en marche montait du boulevard Saint-Germain, noir de monde qui passait dans le même sens, de gauche à droite. Pour l’heure, tout le grouillement de la capitale devait se diriger vers la ligne du parcours, dont les journaux donnaient le relevé.