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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/101

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SPECTRES ARDENTS


C’était un défilé, terrible en son silence,
Où le calme effrayait plus que la violence.

Ces êtres inconnus dans ces brouillards glacés,
Toujours fuyant, toujours par d’autres remplacés,

Tous en deuil, tous ayant leur cœur caché de même,
Semblaient les visions d’un infernal poème.

Et l’esprit anxieux plus encor qu’abattu,
Je m’approchai d’un spectre, et lui dis : « D’où viens-tu ?

» Où vas-tu ? dans quel but tes mains ainsi crispées ? »
Mais lui : « Bois des poisons, transperce-toi d’épées,

» Tu ne souffriras pas autant que je le fais
» Du mal mystérieux mis en moi pour jamais. »

Et, ses mains s’écartant, cruel effet de l’âme,
Je vis que dans le cœur il portait une flamme.


Cette flamme, au milieu de ces habits de deuil,
Lançait un tel éclat qu’elle éblouissait l’œil.