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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/102

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RECUEIL INTIME


Et le tourment du feu dépassait toute idée.
Pourtant l’être ajouta d’une voix saccadée :

« Mortel, crains la pensée, oh ! crains-la plus que tout.
» La souffrance du corps dans la mort se dissout ;

» Mais quand on porte une âme éprise d’autre chose
» Que du réel stupide où la brute repose,

» Quand on a des regards s’élevant vers l’azur,
» Qu’on maudit le fossé, le grillage et le mur,

» Quand on veut tout aimer, quand on veut tout connaître,
» Alors il aurait mieux valu ne jamais naître.

» Après la vie affreuse, après les pleurs de sang,
» L’âme s’ouvre, croit être au but éblouissant ;

» Le but, c’est l’infini qui recule à mesure ;
» Rien de plus ne reluit, rien de plus ne s’azure.

» Seule, avec vos désirs, votre angoisse s’accroît ;
» Et l’espace est plus vide, et le brouillard plus froid.