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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/118

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RECUEIL INTIME


Que je parle de gloire ou cherche une caresse ;
Que je sois anxieux d’un rhythme ou d’un baiser ;
Que je veuille un sourire ou que l’âme m’oppresse,
Tu m’offres des trésors où je n’ai qu’à puiser.

Mais surtout, à la fin des douces agonies,
Quand le regard revient dans l’œil à moitié clos,
J’ai senti, sur le bord de nos lèvres unies,
Ton cœur verser au mien d’ineffables sanglots.

Oh ! par tout ce bonheur, écoute ma prière.
Vois ! je tombe à genoux, je t’implore ardemment ;
Toi-même ne va point tout réduire en poussière,
Ne parle point d’amour, ne fais point de serment.

Ne dis pas que tu veux m’être fidèle et sûre,
Charme-moi sans te plaire à des mots superflus.
Si tu me les disais, connais-en la mesure,
Si tu me les disais, je ne te croirais plus.

Craignons les mots ! les mots sont les bourreaux des choses.
Dès qu’un enthousiasme auguste, un amour fort,
Éclairent quelque part nos ténèbres moroses,
Le mot rampe derrière, amuse et frappe à mort.