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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/138

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RECUEIL INTIME


II



— Dans une ombre sans fin, perdu loin de mon rêve,
Quand je devrais mourir sur le bord d’un fossé,
Je n’aurais pas regret d’avoir marché sans trêve,
Cherchant, hors du réel, un but plus haut placé.

A mon front la sueur, à mes pieds les blessures,
L’indestructible angoisse en mon cœur tourmenté,
Tout cela, vains espoirs, tout cela, douleurs sûres,
Vaut mieux que l’égoïsme où je serais resté.

Le passé me révolte et le présent m’attriste.
Dans la grande nature en germe contenu,
Seul l’avenir est bon, seul l’avenir existe.
Et c’est pourquoi je marche, et vais vers l’inconnu.

Je ne m’arrêterai dans aucune demeure,
Je ne regarderai les champs ni la cité.
La lumière qui fuit, à poursuivre, est meilleure,
Car seule elle est splendeur, et seule vérité.