Aller au contenu

Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
LA PLAINTE DE LA SIRÈNE

Aux pâles caresses du ciel ;
Que volontiers l’on eût tout quitté sur la terre
Pour s’en aller, parmi le calme et le mystère,
Vivre là d’un rêve éternel.

Et pourtant, solitaire, élevant jusqu’aux hanches
Un corps de femme nue au-dessus des eaux blanches,
Une créature pleurait ;
Et ses larmes tombaient amères comme l’onde,
Et de sa lèvre, avec une plainte profonde,
S’échappait un morne secret.

Dépassant du cristal la sonorité triste,
Cette voix faisait peur ; mais le plus grand artiste
Voudrait en vain charmer autant ;
Et de retour au nid, le soir, la tourterelle
N’a point cette douceur grave et surnaturelle,
Rythme qui chante en sanglotant :

Mon palais, disait-elle, abonde en belles choses.
Les tapis en sont d’algue et les murs de corail.
J’ai pour me promener un char de perles roses
Que traînent des dauphins à l’écailleux poitrail.