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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/62

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RECUEIL INTIME


Au lit quand il passait le jour, étant malade,
Les parents s’en allaient ; l’aïeule restait là
A le bercer avec une vieille ballade.
Il ne l’entendra plus jamais chanter cela.

Il se souvient combien de fois, tête mutine,
A cette pauvre aïeule il désobéissait.
Elle ne grondait pas, mais elle était chagrine.
Hélas ! s’il avait pu deviner ce qu’il sait !

Ce vide qui s’est fait pour toujours le désole.
Son cœur, à s’affliger trouvant sujet partout,
Pour songer à la morte, en soi-même s’isole ;
Et des enfants rieurs il éprouve un dégoût.

C’est qu’il a dans le cœur l’invincible tendresse
Des êtres dans lesquels l’oubli ne peut germer,
Qui, malgré la rigueur du tombeau qui se dresse,
Quand ils ont commencé, ne cessent point d’aimer.

Plus de bruit, plus de jeu ; toute action l’ennuie.
Ce qui l’attire, c’est le secret contenu
Dans ce corps mis en terre et dans cette âme enfuie ;
C’est l’ombre où l’on retourne après être venu.