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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/77

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A UNE MARTYRE DE DEMAIN

Te laissent deviner mon amour douloureux,
Comme, sous un nuage errant et vaporeux,
On voit la forme des étoiles.

Et l’intime frisson de ces vagues accents
Trouble ton cœur candide, et le feu que je sens
Pénètre dans tes veines calmes.
Mais ne crains rien de moi, vierge au sourire frais,
Je ne t’aime qu’en fleur, et jamais ne voudrais
Briser la moindre de tes palmes.

Peut-être, si j’étais demeuré simple et bon,
Si mon cœur n’était pas brûlé comme un charbon,
J’aurais entrepris cette tâche
D’illuminer ta vie avec un amour tel
Que nul n’aurait osé, sur le feu de l’autel,
Lever sa main perfide et lâche.

À présent, c’en est fait de moi ; ne t’ayant pas,
Je n’ai pu m’empêcher de m’asseoir au repas
Des perversités séduisantes ;
Et je n’ai plus la force, et je n’ai plus la foi,
Et mon âme déjà, pour voler avec toi,
Porte des chaînes trop pesantes.