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Page:Renaud - Recueil intime, 1881.djvu/78

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RECUEIL INTIME


Mais cela m’est resté, dans mon égarement,
De respecter partout le noble et le charmant,
Le cristal, les cygnes, la neige,
Et de tenir mon cœur dans l’angoisse abîmé,
Plutôt que de souiller ce que j’ai tant aimé,
Avec mon désir sacrilège.

Inutile respect ! d’autres viendront, je sais,
Feignant beaucoup d’amour, n’en ayant pas assez,
Qui t’enivreront de paroles ;
Et l’on t’arrachera ton virginal trésor,
Comme, la nuit, on vole au voyageur son or,
Comme on effeuille des corolles.

Peut-être, dans la joie éphémère des sens,
Comparant mon silence aux aveux frémissants,
Tu riras du jeune homme étrange
Qui, lorsqu’à la cueillir tout semblait l’engager,
La soif, le fruit splendide et le rameau léger,
Laissa sur l’oranger l’orange.

Plus tard, lorsque ta vie aura suivi la loi,
Que des plaisirs humains tu n’auras plus la foi,
Que tu te verras solitaire,