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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/114

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gine, la suite des évolutions n’en avait aucune et s’enfonçait dans l’illimité. On esquivait seulement l’application du tout et du nombre à des actes passés sans nombre, à la multitude indéfinie des causes, numériquement distinctes, de l’évolution renouvelée dans les temps antérieurs ; mais il fallait qu’au fond on la supposât.

La théorie du monde d’Aristote offre, en cette question, un trait singulier de l’histoire des idées métaphysiques. Aristote admit la nécessité d’un point d’arrêt dans la chaîne des phénomènes (ἀνάγκη στῆναι). L’existence d’un moteur immobile, cause des mouvements inférieurs subordonnés, devait, selon lui, répondre à ce besoin d’unité du système du monde, parce qu’un mouvement éternel ne pouvait s’expliquer que par l’action sur son tout d’un moteur dont l’éternité embrassait la sienne. Ce moteur n’étant pas une cause efficiente, mais finale seulement, donnait le point d’arrêt demandé pour la cause ultime des mouvements, mais non pour les mouvements eux-mêmes, dont Aristote regardait la succession dans le passé comme n’ayant pas eu de commencement. L’éternité du monde impliquait donc, en son système comme dans le système de Démocrite, une suite de phénomènes écoulés dont l’ensemble, parcouru et terminé à chaque moment, est tel pourtant qu’il ne peut pas être conçu comme pouvant se terminer et se reconstituer, s’il était parcouru en sens inverse : point de vue incompatible avec l’existence réelle des unités phénoménales distinctes, séparées dans le temps.

Aristote lui-même, ayant affaire aux arguments de Zénon contre la division infinie d’une quantité réelle donnée, distinguait l’infini en acte de l’infini en puis-