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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/113

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conception cosmo-mathématique, l’Infini prenait, sous l’aspect rationnel, un rôle analogue, à celui qu’il avait sous l’aspect matériel dans la doctrine d’Anaximandre, avec cette différence en plus, qu’il représentait le principe passif, imparfait, désordonné, obscur, sur lequel opère le principe opposé de la Lumière et du Bien, au lieu de la Substance d’Anaximandre, puissance directrice de ses propres évolutions pour la production des mondes. L’application de l’illimité à l’idée du temps était, dans ces deux doctrines, étrangère à l’idée systématique d’éternité, qui ne s’était même pas formulée dans l’éléatisme, où elle n’entrait que sous la forme indirecte et obscure d’un présent toujours présent, sans origine et sans changement.

Le système atomistique est probablement le premier dans lequel l’infinité actuelle, accomplie, du temps écoulé, — éternité a parte ante des phénomènes, — ait été envisagée positivement. Démocrite ne crut pas seulement à l’existence sans commencement d’une matière indéterminée ; il crut expressément ceci : que des phénomènes semblables, sujets aux mêmes lois, s’étaient toujours produits. Il fallait donc que, à un moment quelconque, le nombre des phénomènes distincts antérieurement apparus fût un nombre actuellement donné, qui néanmoins ne pût être conçu comme numérable, puisque par hypothèse il n’y avait pas eu de terme initial de la série des unités, et que la même série n’aurait pas de terme final si on la retournait.

Démocrite ne s’avisa peut-être pas de cette condition dans le concept. Les évolutionnistes, Héraclite, Empédocle s’en sauvaient en apparence, et donnaient satisfaction à l’idée du commencement de l’ordre des choses actuel. Mais, si chaque évolution avait son ori-