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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/129

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dant si important pour la philosophie dont il posait le point de départ, que c’est en en imaginant des solutions que Leibniz et Spinoza composèrent leurs systèmes, à la suite du sien. Leibniz substitua aux parties indéfiniment divisibles de la matière cartésienne une infinité de substances simples, points géométriques à l’égard de l’étendue, et Spinoza une infinité de modes de cette même étendue regardée comme un attribut de la substance unique. C’était, des deux côtés un infini de composition. On voit par là que Descartes n’avait pas suffisamment défini la matière ; et Malebranche pouvait bien la supprimer ; on sait qu’il en était tenté fortement.

Pour Spinoza, l’infinité de la composition s’absorbe dans l’indivisibilité fondamentale de l’étendue ; elle est donc une imagination seulement ; pour Leibniz, elle est formellement réelle : la distinction réelle des monades, quoique infinies en nombre, est affirmée. Le philosophe sait et déclare d’ailleurs, en tant que mathématicien, que l’idée d’un nombre actuellement infini est contradictoire in terminis ; la quantité différentielle du calcul appelé infinitésimal, dont il est l’inventeur, il ne la donne que pour une quantité indéfiniment diminuée, dont la détermination reste arbitraire ; mais, en tant que métaphysicien, il se croit permis d’assurer que la moindre étendue finie est peuplée d’une infinité actuelle de monades. La raison que Leibniz donne de cette différence de traitement de deux questions qui semblent si bien n’en faire qu’une seule, arithmétique, c’est qu’un amas, une multitude est autre chose qu’un tout. Un tout forme toujours un nombre, une multitude pourrait n’en être pas un. Cette distinction a été souvent renouvelée depuis Leibniz. Cependant, si