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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/132

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parties, considérées séparément, égalent chacune le tout.

Le caractère radicalement illogique d’une telle définition consiste en ce que les concepts de tout et de partie, et d’égalité, y sont introduits et nécessairement supposés, pour qu’elle soit intelligible, et qu’en même temps ils sont violés par la proposition elle-même. Toutes les difficultés que, depuis l’origine de la géométrie, les notions de fini, d’indéfini, et les rapports incommensurables suscitaient dans les théories, naissaient du besoin d’éviter la contradiction en cherchant des méthodes pour la mesure des grandeurs idéalement continues. La méthode que l’infinitisme découvre après tant de tâtonnements se résumerait donc à faire entrer la contradiction dans le propre concept de la quantité ! On voudrait savoir si les philosophes qui admettent les proportions infinies dans le monde matériel sont prêts à suivre les géomètres égarés dans cette illogique logication de l’infini en acte. Pour les mathématiciens, il est juste de reconnaître que les concepts peuvent rester abstraits et idéaux (bien que toujours contradictoires en eux-mêmes) et bornés à leur emploi mathématique. Mais les philosophes sont-ils prêts à regarder comme un concept rationnel, celui par lequel, se transportant dans une partie du monde séparée de celle où nous sommes par une série d’astres échelonnés dépassant tout nombre assignable, on aurait devant soi, dans la même direction, une autre série égale, et puis une autre, etc., et cela de telle sorte que chacune fût numériquement égale, étant infinie, à la somme de toutes celles qui la comprennent elle-même en arrière et en avant ? On objectera que l’infini ne se peut atteindre, et que si loin qu’on se porte, suivant le concept, on ne sera jamais parvenu qu’à des nombres