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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/158

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qu’il semble, sur la liberté humaine de choisir entre le bien et le mal, sur la responsabilité de l’âme, sur la justice de la peine infligée (assignation d’une place inférieure dans l’échelle des êtres) ; mais il dit aussi que l’âme n’agit pas librement lorsque, entraînée par l’appât des biens sensibles, elle fait le mal. Il faudrait donc que l’acte, appelé libre parce qu’il est une faculté d’opter entre deux déterminations opposées, ne fût un acte libre que quand il est l’option pour l’une des deux, qu’on lui désigne, à l’exclusion de l’autre ! Cette grossière faute de logique est devenue depuis Plotin un lieu commun à l’usage de beaucoup de moralistes.

Cherchons la pensée la plus profonde de ce philosophe. Dieu est la cause immanente du monde : cause efficiente par ses effets, qui s’étendent à toutes choses, encore bien que sous la forme de l’émanation, et cause finale aussi. Mais le rapport de l’émané au principe émanant a un envers, qui est la matière, le non-être, où tout ce qui déchoit tend, et de plus en plus s’enfonce. L’âme, en sa descente, est sujette à l’erreur, aux vices, aux dégradations qui lui viennent du corps, au mal, enfin, corrélatif du bien. Observons maintenant que le monde est éternel comme son principe. Les âmes n’ont pas eu de réelle origine première ; l’épreuve n’a donc pu avoir lieu pour aucune indépendamment de ses états antérieurs, mais chacune a toujours possédé une nature bonne ou mauvaise, variable, et il n’y a jamais eu d’autre nature d’âme qu’une nature acquise. Nous comprendrons que la thèse réelle n’est pas celle d’un libre arbitre initial, mais bien celle qui probablement faisait dire à Platon que l’âme sortant du Léthé se détermine selon sa nature. L’émanation n’a jamais été rapportée à une positive origine des choses. La thèse du libre