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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/160

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cette volonté de Dieu dans l’homme, ce fut encore Dieu qui la fît. Et ce n’est pas tout. Le mot célèbre de saint Paul, sur l’action de la grâce : « Dieu fait en nous le vouloir et le faire », il l’étendit jusqu’aux actions humaines contraires à cette volonté : « Dieu fait ce qu’il veut de ceux mêmes qui font ce qu’il ne veut pas. » Ce paradoxe ingénieusement contradictoire sauvegardait la bonne intention de Dieu en satisfaisant à ce que la prédestination exige ; car Dieu a fait les futurs : quae futura sunt fecit.

La conciliation du prédéterminisme et de la liberté doit cependant s’opérer ; comment est-elle possible ? Dieu, dit saint Augustin, n’a pas entendu refuser la liberté à ces êtres humains dont il a fait les actions futures, mais il les a créés tels, qu’ils dussent faire librement ce qu’il savait qu’ils feraient librement. Ceux des docteurs scolastiques ont parfaitement compris cette pensée, qui, réfléchissant que Dieu est toute action, et non pas seulement Providence, l’ont complétée en ces termes : « Dieu nous fait tout faire ; librement, ce que nous faisons librement, nécessairement, ce que nous faisons nécessairement. »

À dater de la victoire de l’augustinisme, exception faite en faveur des tendances origénistes, qui ne furent définitivement réprimées qu’assez longtemps après, la doctrine chrétienne fut vouée théoriquement à l’absolutisme. On professait de reconnaître un libre arbitre, dans la mesure obligée pour ne pas enseigner directement au pécheur que sa condition, soit d’élu, soit de réprouvé, était dès maintenant et de toute éternité décidée et inadmissible ; mais s’il arrivait à quelque docteur d’employer, pour définir la mesure de la liberté humaine réelle, des termes qui parussent diminuer