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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/161

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l’action divine dans la même raison que peut s’exercer la libre action de l’homme, celui-là était hérétique. Cette illogicité, dont l’orthodoxie faisait une loi sévère, réduisit la question à une subtile controverse interminable ou, de chaque côté, l’on respectait les mots convenus en s’attaquant aux choses signifiées. Les hommes de piété se portèrent presque toujours du côté absolutiste, qui était le moins asservi à l’Église. Dans le parti opposé, se trouvaient plutôt les politiques, mais leurs efforts pour définir un libre arbitre de théorie trouvaient un obstacle invincible dans le dogme de la prescience divine absolue, réputé inattaquable.

La doctrine de la toute action divine, et non de la prescience seulement, obtint sa plus haute formule dans la Somme théologique de Thomas d’Aquin qui transféra décidément au point de vue positif de l’action créatrice et continue les émanations et les influences que le néoplatonisme faisait descendre du monde intelligible dans le monde matériel.

« La substance de Dieu est présente en toutes choses comme cause d’être… Dieu existe dans toutes les choses comme l’agent est présent à ce dans quoi il agit… Il faut que l’être créé soit son effet comme l’ignition est l’effet propre du feu. Et Dieu produit cet effet dans les choses non seulement au moment où elles commencent d’être, mais tant qu’elles sont conservées dans l’être… Aussi longtemps que la chose a l’être, il faut que Dieu lui soit présent selon le mode où elle a l’être. Or l’être est-ce qu’il y a de plus intime en chaque chose, et de plus profond en toutes, puisqu’il est la forme commune de tout ce qui est dans chacune. Il faut donc que Dieu soit dans toutes les choses, et d’une manière intime. » (S. T., 1re partie, Q. VII, art. 1.)