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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/163

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les autres points. En fait, il n’était peut-être pas aussi éloigné de la doctrine thomiste que pouvaient le faire penser certaines vues scotistes sur la liberté de Dieu et sur les idées éternelles, qu’il hasardait, mais qu’il défendait faiblement ensuite contre les théologiens.

Une idée forte et originale, contraire aux opinions communes sur la nécessité du jugement, annonçait au premier abord, chez Descartes, la franche acceptation de la réalité du libre arbitre : il observait que le champ de la volonté est beaucoup plus étendu que celui de l’entendement, et, tirant de là la raison de l’erreur, à cause de la précipitation du jugement, il semblait ouvrir une large carrière aussi à la liberté de l’esprit ; mais son analyse du fait ainsi défini en changeait totalement la face, car il pensait que, dans l’acte de détermination de l’entendement, le plus haut degré de la liberté se rencontre avec l’évidence, critère de la vérité, le plus bas avec l’indifférence intellectuelle, qui explique le doute. Cette explication rappelle trop, pour le côté de l’évidence, la liberté du bien de Plotin et de saint Augustin, qui est un vrai déterminisme ; tandis que, pour le côté de l’indifférence, elle déguise ou méconnaît le siège pratique du doute, de la délibération et de la liberté morale. Elle place l’agent, non comme le mot indifférence le fait entendre, dans un état d’indétermination, mais dans le milieu des passions et des intérêts, sous l’influence des motifs qui déterminent le plus communément les hommes.

Spinoza interpréta, en ce sens, qui ne laisse aucune place au libre arbitre, la théorie cartésienne de l’erreur, et il opposa à la liberté humaine, connaissance adéquate de soi-même et de Dieu, la servitude humaine, esclavage des passions, état de ceux qui n’ont de toutes