Aller au contenu

Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LIV

La thèse de la liberté comme croyance. Jules Lequier. — En dehors de l’éclectisme, à l’époque où l’enseignement universitaire en France était régi par des thèses de convention, la croyance déterministe était à peu près universellement répandue. La thèse du libre arbitre se recommandait par sa valeur pratique, par sa simplicité apparente, et enfin par la définition officielle de l’Église, à une école dont le but était de former un choix d’opinions propre à garantir l’ordre moral. Mais cette école étant ennemie de tout approfondissement d’idées, on y jugeait le dogmatisme nécessitaire et les analyses psychologiques de l’ « enchaînement invariable » assez réfutés, et l’existence réelle de la liberté assez démontrée, par le simple fait du témoignage intime que chacun se rend de son pouvoir de faire ou ne pas faire tel acte qu’il se propose dans le moment. On tenait ce sentiment pour la preuve expérimentale de la réalité de son objet. Hors de là, l’opinion déterministe était favorisée par toutes les influences régnantes de l’ordre de la pensée : l’école historique d’abord, devenue toute fataliste sous l’inspiration de la doctrine du progrès ; les sectes socialistes, très théoriciennes à cette époque, et spéculant sur la marche de l’histoire ; le positivisme, qui était une de ces sectes, et de toutes la plus formellement nécessitaire ; la thèse de l’origine empirique des idées, fidèlement conservée dans le monde scientifique, surtout chez les physiologistes ; enfin la philosophie allemande, regardée alors comme la maîtresse des idées profondes, par ceux qui ne craignaient