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Page:Renouvier - Les Dilemmes de la métaphysique pure, 1901.djvu/181

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pas d’aborder ses doctrines abstruses, et, par les autres, sur sa réputation. Il n’y avait pas jusqu’aux théories historiques et sociales inspirées par des croyances chrétiennes, et par des dogmes de l’Église interprétés, c’est-à-dire presque toujours hérétiques, qui ne fussent conçues dans un esprit déterministe. Le dogme de la prescience divine absolue est un empêchement logique insurmontable à toute philosophie religieuse de l’histoire qui prétendrait s’accorder avec la liberté humaine réelle.

Un penseur original et profond à qui la mauvaise fortune n’a pas laissé le temps d’achever son œuvre se séparait, à cette époque, à la fois de l’esprit de son temps et de la longue et imposante suite des philosophes de tous les âges qui furent acquis à la doctrine de la nécessité, souvent même attachés par les sentiments personnels les plus profonds. J. Lequier sentait vivement lui-même la force de leurs motifs, les exposait au besoin avec éloquence, et éprouvait la plus forte répugnance à s’y rendre. D’un autre côté, en même temps qu’il était frappé de la force de conviction remarquable des grands nécessitaires, il s’était convaincu de leur manque d’arguments directs et apodictiques, pour démontrer l’impossibilité de la contingence ; et autant il était personnellement pénétré du sentiment de la possession de soi, et croyait en conséquence à la réalité des possibles contraires, dans nos actes délibérés, autant aussi il était frappé de la faiblesse logique de la position que prenaient les partisans de la liberté, toujours sur la défensive, toujours donnant pour évidente, au nom de l’expérience, la conclusion tirée du sens intime, qui cependant ne saurait mettre sa propre vérité en expérience. Ce sont là, de part et d’autre, les signes d’une